Photo Annik MH de Carufel, Le Devoir
C’est avec tristesse que nous venons d’apprendre le décès de l’écrivaine Marie-Claire Blais. Marie-Claire Blais a marqué l’histoire de la littérature québécoise dès les débuts de la Révolution tranquille avec La belle bête, en 1959, alors âgée de seulement vingt ans, et surtout avec Une saison dans la vie d’Emmanuel, en 1965, balayant le Québec traditionnel et rural avec une ironie joyeuse qui fera date. On se souviendra surtout d’une œuvre ayant accompagné les méandres d’un monde et l’évolution souvent erratique des mentalités, et ce jusqu’à aujourd’hui. Le cycle Soifs, fresque monumentale de dix livres aux longues phrases inquiètes débuté en 1995 et dont le dernier livre, Une réunion près de la mer, est paru en 2018, aura su enregistrer les soubresauts du monde, des tueries fréquentes sur les campus nord-américains et la persistance du racisme à la crainte du terrorisme suite au 11 septembre, rappelant constamment, par la diversité dialogique de ses romans, les dangers du repli. La place qu’elle aura faite dans son œuvre à la communauté LGBTQ2+ est incomparable. Toutes et tous trouvaient une voix chez cet être douée d’une empathie illimitée, de la « Vierge aux sacs » (qualifiant ainsi une sans-abri de New York) aux jeunes tentés par la violence. Si son œuvre, multipliant les perspectives parfois au sein d’une même phrase, peut sembler complexe, c’est que la société dont elle cherchait à rendre compte l’est beaucoup plus qu’on veut le reconnaître. Ses romans offraient un éclairage inédit à cette opacité, ménageant à travers les périls qu’elle décrivait ses trouées lumineuses d’une absolue beauté. Sa disparition soudaine surgit comme une invitation à la suivre dans ses livres.